Par Francis WURTZ Député PCF honoraire du Parlement européen
Ce 24 février, cela fera trois ans qu’a été lancée l’agression russe contre l’Ukraine. Les responsabilités historiques de Vladimir Poutine dans le déclenchement de ce conflit comme dans la conduite, particulièrement cruelle, de la guerre relèvent de crimes ineffaçables.
Pour leur part, la plupart des dirigeants occidentaux ont, très tôt, fait le choix de rechercher, comme seule issue à cette tragédie, une victoire militaire. Cette voie n’avait pourtant rien de fatal. Ainsi, dès avril 2022, des pourparlers très prometteurs entre Russes et Ukrainiens avaient eu lieu à Istanbul. Un ancien conseiller du Président Zelensky, Oleksiy Arestovitch, révélera par la suite qu’ en rentrant dans son pays après ces discussions « couronnées de succès, 90% des questions litigieuses ayant été résolues, (son) équipe a sabré le champagne pour fêter l’occasion » (1) . Ce fut le moment choisi par le ministre de la Défense américain, représentant l’aile jusqu’au boutiste de l’équipe du Président Biden, pour faire une visite-surprise à Kiev, convaincre les Ukrainiens qu’« ils peuvent gagner s’ils ont les bons équipements » et engager la livraison des armes lourdes. Si cette option fut approuvée par la plupart des dirigeants européens, elle ne fit, paradoxalement, pas l’unanimité au plus haut niveau du pouvoir à Washington. En témoigna cette déclaration retentissante du Chef d’état-major des armées des États-Unis, le Général Mark A. Milley : « Il peut y avoir une solution politique, où, politiquement, les Russes se retirent. C’est possible ! » (2). On connaît la suite… Un gâchis humain, matériel et politique incommensurable .
On ne peut donc que se réjouir d’entrevoir enfin des négociations de paix. Malheureusement, ce qu’on en sait à ce stade n’inspire guère confiance. Créer les conditions d’une paix juste et durable passe par le respect d’une série de principes dont ne s’embarrassent ni Trump ni Poutine.
Le premier d’entre eux est de placer au centre des futures négociations les deux principales parties au conflit, même si, à l’évidence, un face à face exclusif entre Ukrainiens et Russes est inconcevable, tant le rapport des forces est inégal. En plus, il s’agit d’un enjeu mondial. Dès lors, c’est sous l’égide des Nations unies que d’autres acteurs devraient être associés à la recherche d’une solution : l’Union européenne, voisine et alliée de Kiev ; les États-Unis, directement impliqués dans le conflit ; mais aussi, sous une forme ou une autre, des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud, qui ont l’oreille de Moscou tout en étant des interlocuteurs de Kiev, clairement opposés depuis le début à cette guerre.
Un autre principe essentiel à respecter est naturellement le droit international, à commencer par l’interdiction de tout recours à la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance d’un pays. Aussi, tout compromis territorial éventuel serait problématique et supposerait, en tout état de cause, pour pouvoir être internationalement reconnu, d’être démocratiquement ratifié par les citoyens concernés.
Enfin, les garanties de sécurité, légitimement réclamées par le peuple ukrainien , gagneraient, pour être durables, à éviter d’être assimilables à une source d’insécurité par le peuple russe. Ce qui suppose d’exclure l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN (ou la présence de l’OTAN en Ukraine…). En fait, c’est d’un accord paneuropéen de sécurité collective, incluant tous les États et tous les peuples du continent, que nous avons besoin, mais relever ce défi-là prendra plus de temps. Dans l’immédiat, place à la diplomatie, la vraie !
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(1) Interview à « UnHerd » -voir « Courrier international » (27/1/2024)
(2) AFP, 19/11/2022